2. Prédation saine ou non ?

La prédation n’est pas un problème de comportement à proprement parlé, c’est un comportement normal perçu comme indésirable par le gardien et qui peut mettre en danger le chien et la faune. 

Les comportements de prédation sont des comportements avec un haut niveau d’arousal (excitation) et à valence positive (c’est quelque chose qui fait plaisir au chien). Logiquement, on ne devrait pas voir de problèmes de comportement apparaître même si le chien part en chasse relativement souvent. Dans l’idéal, le chien devrait être apaisé et content après une partie de chasse. MAIS la réalité est très différente, de nombreux chiens que je suis ne s’apaisent après une partie de chasse, reviennent excités et restent plus impulsifs et réactifs sur le reste de la balade, voire les jours suivants. 

Émotions et excitation : une excitation très haute n’est pas synonyme d’émotion à valence positive !

Ci-dessus, un visuel sur l’excitation, la valence et les émotions. Plus le chien est haut sur ce visuel en excitation, plus son comportement est difficile à lire et la valence difficile à interpréter. En outre, si l’excitation est très haute, la valence peut changer très rapidement. Un exemple typique, dans le jeu : un chien peut s’amuser puis s’énerver sans qu’on ait le temps de voir le changement de valence. Les comportements de prédation se situent très haut  sur l’échelle de l’excitation. 

La difficulté est d’évaluer sur le moment si l’excitation est un signe de stress / malaise (à valence négative donc) ou l’expression d’une joie (à valence positive). Il peut y avoir des signaux de stress subtils : halètement, comportement frénétique, oreilles en arrière, etc. Mais si vous n’êtes pas certains, le seul moyen de savoir si l’excitation était ‘positive’ ou ‘négative’ est de voir l’impact à moyen terme :

  • Est-ce que le chien se repose bien juste après ?
  • Est-ce qu’il n’est pas de plus en plus excité/vigilant avec le temps ?
  • Est-ce qu’il est toujours ouvert à des interactions avec nous ?
  • Est-ce qu’il est en recherche active de gibier peu importe l’environnement de balade et l’historique qu’il a dans cet environnement ? 

Voici quelques causes possibles (liste non exhaustive) qui peuvent expliquer pourquoi votre chien n’est pas satisfait et calme après être parti en chasse : 

  • Mélange de réactivité et de prédation : le chien veut-il réellement attraper la proie ou veut-il faire fuir la proie ? Veut-il accéder à la proie ou à la piste pour prendre les odeurs et ainsi se rassurer ?  
  • Trop de stimulations au quotidien et des soucis pour réguler son excitation : ça peut être car il y a beaucoup de stresseurs au quotidien, une routine trop stimulante etc. 
  • Une frustration si le chien ne parvient pas à attraper sa proie : certains se contenteront d’une piste et en seront satisfaits, pour d’autres chiens leur motivation est d’attraper l’animal, ils pourront donc être frustrés de ne pas rattraper l’animal. 

Quoiqu’il en soit, même si votre chien est apaisé après une partie de chasse, ça ne veut pas dire qu’il faille laisser faire, le chien peut quand même se mettre en danger et mettre en danger la faune. 

Qu’est-ce qui peut intensifier la prédation ? 

  • Santé et douleurs : il n’est pas rare qu’un chien douloureux montre une augmentation de son activité physique. C’est expliqué, entre autres, par le fait que les douleurs chroniques favorisent l’anxiété1, ce qui met le chien en état de vigilance et se traduit par un chien plus actif et qui semble plus excité. D’autre part, la dopamine aurait un impact analgésique2, ce qui expliquerait qu’un chien douloureux recherche des activités qui lui font du bien. 
    Si votre chien montre des comportements de prédation de plus en plus obsessionnels et répétitifs (chien qui creuse sans jamais s’arrêter, cherche en boucle sans jamais s’apaiser), il est primordial d’aller consulter votre vétérinaire. Les comportements répétitifs peuvent être induis par le stress mais aussi par des douleurs3.
  • Faim et excitation : un être vivant qui a faim est plus actif, plus excité. Même si votre chien ne chasse pas pour se nourrir, l’organisme se met en activité pour la recherche de nourriture, ce qui fait monter l’excitation et la vigilance : des facteurs qui vont agir de manière indirecte sur la prédation4. Si vous pensez que ça peut être un facteur, donnez une portion de sa nourriture à votre chien 2h avant de balader (pas juste avant, attention aux retournements d’estomac). 
  • Réactivité ou émotions à valence négative : Le stress va augmenter la vigilance et l’impulsivité du chien, ce qui va se traduire par une excitabilité. On ne le répétera jamais assez, un chien très excité n’est pas forcément un chien heureux. Si l’environnement comporte des stresseurs pour votre chien ou s’il est stressé au quotidien (réactivité, anxiété, soucis de solitude), il risque d’être plus agité en balade, donc plus chasseur. L’apaisement global est souvent nécessaire afin de pouvoir mettre en lumière des comportements de malaise5.
  • Facteurs environnementaux : la pluie / l’humidité va amplifier les odeurs6, donc un chien prédateur pourrait être plus stimulé après la pluie par exemple. Les vents forts peuvent brasser les odeurs de proie qui viennent de plus loin, rendant l’environnement encore une fois trop stimulant pour nos chiens chasseurs. 
    Ces facteurs peuvent aussi avoir un effet sur le chien directement : un chien qui a froid pourrait courir partout et profiter du moindre stimulus présent pour augmenter son activité et donc se réchauffer.  

1 Mills, D.S.; Demontigny-Bédard, I.; Gruen, M.; Klinck, M.P.; McPeake, K.J.; Barcelos, A.M.; Hewison, L.; Van Haevermaet, H.; Denenberg, S.; Hauser, H.; et al. Pain and Problem Behavior in Cats and Dogs. Animals 2020, 10, 318. https://doi.org/10.3390/ani10020318 Retour à la note 1 dans le texte

2 Wood, Patrick B. “Role of central dopamine in pain and analgesia.” Expert review of neurotherapeutics vol. 8,5 (2008): 781-97. doi:10.1586/14737175.8.5.781 Retour à la note 2 dans le texte

3 Camps T, Amat M, Manteca X. A Review of Medical Conditions and Behavioral Problems in Dogs and Cats. Animals (Basel). 2019 Dec 12;9(12):1133. doi: 10.3390/ani9121133. PMID: 31842492; PMCID: PMC6941081. Retour à la note 3 dans le texte

4 Richard B. D’Eath, Bert J. Tolkamp, Ilias Kyriazakis, Alistair B. Lawrence, ‘Freedom from hunger’ and preventing obesity: the animal welfare implications of reducing food quantity or quality, Animal Behaviour, Volume 77, Issue 2, 2009, Pages 275-288, ISSN 0003-3472, https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2008.10.028. Retour à la note 4 dans le texte

5 Tooley C, Heath SE. Emotional Arousal Impacts Physical Health in Dogs: A Review of Factors Influencing Arousal, with Exemplary Case and Framework. Animals (Basel). 2023;13(3):465. Published 2023 Jan 28. doi:10.3390/ani13030465 Retour à la note 5 dans le texte

6 Kuehn M, Welsch H, Zahnert T, Hummel T. Changes of pressure and humidity affect olfactory function. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2008;265(3):299-302. doi:10.1007/s00405-007-0446-2 Retour à la note 6 dans le texte